L’ego est un sujet qui revient souvent que ce soit au détour d’une conversation, autour d‘un café, dans la littérature, dans les films…
N’avez-vous jamais entendu des phrases de ce type : « Il a l’ego surdimensionné », “Il a une très haute estime de lui-même”, « Il est imbu de sa personne » ?
L’ego on en entend parler mais qu’est-ce exactement ? Atout, faiblesse ? Comment se manifeste t-il nos métiers en informatique ?
Comme vous pouvez le constater, le sujet soulève beaucoup de questions auxquelles nous allons tenter de répondre.

Pourquoi parler d’ego sur un blog IT ?

Mon ego (moi moqueur) : Pourquoi pas ?
Le lecteur (vous) :  Hein ? Qu’est-ce que je fais là ? Le blog de Kaibee s’est fait hacker ou quoi ?
Mon ego (moi en doute) : Non… ne partez pas ! Vous êtes encore là ? 

Allez trêve de bavardages, et rentrons dans le vif du sujet en commençant par une définition de l’ego. 

Qu’est-ce que l’ego ?

Nous vous proposons quelques définitions du terme “ego” ci-dessous.

D’après le Larousse : 

“Nom donné au moi conçu comme « sujet personnel ».”

D’après l’Académie Française (9ème édition) : 

“Le sujet pensant et, par extension, le moi.”

D’après Wikipédia :

“L’ego désigne la représentation et la conscience que l’on a de soi-même.

Il est considéré soit comme le fondement de la personnalité (notamment en psychologie) soit comme une entrave à notre développement personnel (notamment en spiritualité).”

Cette dernière définition de l’ego est, à notre sens, la plus facile à comprendre. Revenons sur la première partie de cette définition. On y voit que l’ego n’est en réalité qu’une représentation qu’un individu se crée de lui-même. Ce qu’il faut retenir à ce stade, c’est qu’il s’agit d’une représentation !

Pour se sentir exister, quelque soit le domaine : amoureux, professionnel, familial, chacun se crée une image de lui-même (un soi détaché du reste du monde).

Cette représentation se construit dans le temps (au fil des expériences), des personnes que nous rencontrons, de nos rêveries ou de nos illusions… 

Elle peut prendre différentes formes : sentiment de supériorité, besoin de compliments, besoin de prouver qu’on est “capable de”, envie de se sentir aimé-e / d’être aimé-e…

Donc : avant d’être un tech lead, un technicien ou un comptable (eh oui il n’y a pas que l’informatique dans la vie), nous sommes tous des êtres vivants doués de sensibilité, de rêves, de passions, de déceptions… Notre ego nous accompagne constamment dans notre vie (privée et professionnelle). Pour rappel, nous passons en moyenne un tiers de notre journée au travail ou à travailler, ce n’est pas négligeable ! Donc les effets de notre ego se font ressentir d’une manière ou d’une autre dans nos activités professionnelles. 

Comme vous l’avez compris ce sujet n’est pas propre au domaine de l’IT mais concerne tous les domaines professionnels. Travaillant dans le domaine de l’IT, il m’est plus facile d’en parler dans ce contexte en particulier. 

Que faites-vous dans la vie ?

Il est d’usage de répondre à cette question que nous sommes “le métier” que nous faisons, voire le poste que nous occupons. 

Par exemple :

• “Je suis informaticien-ne”
• “Je suis tech lead”
• “Je suis responsable de projet”
• …

Avez-vous remarqué l’ambiguïté qui se cache derrière ces réponses à cette question très ouverte ? Je ne sais pas si vous vous souvenez mais plus jeune, on nous donnait un type d’exercice (il me semble en anglais) dont l’énoncé ressemble à ceci :

“Trouvez la question qui convient à chacune des réponses suivantes :”

Donc si on transpose cet exercice à une phrase comme celle-ci :

 “Je suis tech lead”

On peut imaginer que la question à l’origine ressemble plus à : 

“Qui êtes-vous dans la vie ?” 

et non “Que faites-vous dans la vie ?”. 

Comme si notre vie se résumait uniquement à notre métier. Nous pouvons être un directeur d’entreprise et passionné de photographie. 

Restons encore un instant dans les souvenirs de notre “tendre” jeunesse. Très jeune, et même un peu plus tard dans l’adolescence, les adultes ne manquaient pas de nous poser cette question, angoissante pour certains, mais pour d’autres la réponse est évidente : 

“Qu’est-ce que tu veux ou tu aimerais être plus tard?”.

Personnellement j’ai le souvenir d’avoir répondu à cette question, à plusieurs reprises, avec la conviction naïve de l’enfant que j’étais : 

“Je veux être comptable, comme papa !”

(Entre nous, quand j’ai compris bien plus tard en quoi cela consistait, j’y ai vite renoncé…) 

La réponse à cette question, ou du moins la manière d’y répondre, peut durablement changer notre vie au point où nous finissons par nous identifier à notre métier, à notre poste (représentation de l’ego). D’ailleurs il est souvent d’usage lors d’une première rencontre de (professionnelle ou non) de demander : “Que faites-vous dans la vie ?”…

C’est aussi ce qui explique que lorsqu’une personne (un collègue, un client, ou votre chef) “s’attaque” à votre travail (expression de son ego), vous pouvez réagir comme s’il s’agissait d’une atteinte à vous, en tant que personne (expression de votre ego). 

Dans la partie qui va suivre, nous allons voir le rôle de l’ego et voir des pistes pour reconnaître son expression au quotidien dans notre vie professionnelle ou personnelle.

A quoi sert l’ego et comment le reconnaître ? 

A quoi sert l’ego ?

Vous (ego condescendant) : À faire des constructions ?
Mon ego (flatté) : Heu… oui, waouh tu as tout compris ! (En même temps, je suis tellement doué pour expliquer des choses !)
Mon ego (cassant) : Humm… Il joue sur les mots, se paie ta tête et toi tu plonges… Nage va, il parle de “lego” là… andouil*** !
Mon ego (déçu / énervé): Gnan ! #@!*?:(. Je me sens honteux et confus…

L’ego existe, avant tout, pour nous permettre de compenser des manques en nous-même et / ou pour se conformer aux normes de la société, aux attentes de notre environnement… C’est ce qui explique que nous ressentons par exemple un grand besoin de reconnaissance et nous nous donnons pour but de réussir à tout prix (et ce peu importe les moyens et les conséquences). 

La réussite devient une obsession et une nécessité pour se sentir valoriser au travers du regard des autres. Un échec représente une vraie déception que nous n’acceptons pas (ou mal) et nous pouvons en arriver à rejeter la faute sur les autres.

Donc il est essentiel de comprendre quels sont les manques dont nous souffrons pour gagner confiance en nous-même et avoir une meilleure estime de soi. Cela demande un vrai travail de compréhension de soi-même. C’est un sujet trop complexe pour l’aborder dans cet article mais il est important d’avoir cela à l’esprit pour la suite. En attendant il est utile d’apprendre à identifier et à comprendre l’influence de notre ego. C’est l’objet du point suivant.

Comment l’identifier et le reconnaître ?

Comme nous l’avons vu jusqu’à présent, notre ego, votre ego, utilise tous les moyens possibles pour exister. Parfois de manière sournoise ou très explosive et perceptible. Dans cette partie, l’important est de voir comment nous pouvons identifier ces moments où notre ego essaie de prendre le dessus ou quand, au contraire, c’est nous qui sommes sous l’influence de l’ego des autres.

Nous vous proposons d’aborder cette partie par une mise en situation pratique. 

Mise en garde : vous découvrirez ici des situations inspirées d’expériences. En aucun cas elles ne visent à porter préjudices à qui que ce soit mais sont utilisées uniquement pour aider le lecteur à mieux comprendre.

Exemple de situation où une code review se transforme en champ de bataille. 

Ceci est un extrait fictif d’un échange entre Rick (développeur expérimenté) et Owen (jeune embauché) qui vient tout juste de rejoindre le projet :

Owen : Du coup j’ai fini ma tâche sur l’import de documents. Normalement tout est bon, ça devrait être rapide à valider.
Rick : Ah bon déjà ? Ca a été rapide ! Ok je regarde ça.
(quelques minutes plus tard)
Rick : J’ai fini ta PR (pull request dans le jargon de Git) et je t’ai écris des commentaires. T’as dit que ça serait rapide t’as pas menti mais franchement t’as fait n’importe quoi là…
Owen (un peu choqué) : Ah bon ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Rick : Mais regarde… (donne des raisons qui ne semblent pas convaincre Owen)
Owen : Bah c’est une juste une question de point de vue. Ta solution fonctionne (peut être) mais la mienne aussi.
Rick : Oui en apparence, mais tu vois bien que…
Owen : Je ne suis pas d’accord…

Dès le début de cet échange, on peut constater deux choses : 

• Owen affiche un air confiant sur la tâche qu’il a réalisé (trop confiant ?) en très peu de temps.
  => Ce peut être l’expression de son ego (surdimensionné) qui veut à tout prix impressionner et / ou surpasser Rick ? Ou peut-être n’a-t-il pas vu toute la complexité de la tâche ?

• Rick a pu ressentir cela comme un excès de confiance. Il est peut être surpris de voir que Owen a pu déjà finir cette tâche.
  => A t-il lui surestimé cette tâche ou a t-il vu des complexités qui n’existaient pas? A-t-il sous estimé les capacités d’Owen? Owen l’aurait-il surpassé ? En plus, Owen semble présumer que le résultat est parfait et qu’il n’aurait pas grand à redire ?

Ensuite quand Rick reprend la discussion avec Owen, sa réponse (“…franchement t’as fait n’importe quoi là”) est un peu disproportionnée. On peut en déduire que :

• Rick est content de se rendre compte qu’Owen était loin d’être si bon et que c’était peut être l’occasion de le remettre un peu à sa place. Il est donc cassant avec lui.
• Ce qu’Owen a produit n’est vraiment pas satisfaisant mais Rick est très maladroit dans sa manière de communiquer ?

Comme on peut le constater à ce stade de l’échange, 

• Owen vit cela comme une attaque personnelle. Il était peut être très fier de ce qu’il avait accompli et a la sensation que Rick trouve un malin plaisir à vouloir s’en prendre à lui juste par jalousie ou parce qu’il se croit supérieur. 

Si on se concentre sur Owen, il a plusieurs façons de se sortir de cette situation potentiellement explosive : 

• Soit Rick s’en prend effectivement à lui et avec du recul, il comprend que c’est l’ego de Rick qui se manifestait pour combattre la menace qu’il représente pour Rick (ego). En comprenant ça, il peut aisément esquiver cette attaque et rester professionnel.
• Soit il est sur le point de se laisser emporter par son propre ego (trop fier pour accepter qu’il est peut être passé à côté de quelque chose) et qu’il doit être plus réceptif aux arguments de Rick ou éventuellement prendre à parti une tierce personne capable de trancher.

Dans tous les cas, cela n’empêche pas Owen de discuter avec Rick et lui expliquer ce qu’il n’a pas aimé dans la manière dont l’échange s’est déroulé. Cela peut se faire à chaud ou à froid (par exemple durant la rétrospective, l’une des cérémonies Scrum). 

Comme on a pu le voir dans cet exemple, le déroulement de l’échange peut changer du tout au tout en fonction de notre compréhension de la situation. Une mauvaise compréhension ou un aveuglement par notre ego peut conduire à des situations de conflits inutiles.

Atout ou faiblesse ? 

Comme pouvez l’imaginer, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir… (oui moi aussi ça m’énerve les articles qui finissent toujours leur conclusion de cette manière).

Une faiblesse

Comme tout outil dès lors que ne le maîtrise pas ou qu’on l’utilise mal, cela devient néfaste et donc peut représenter une faiblesse. Si demain vous êtes embêté par un moustique, utiliser un bazooka n’est pas le moyen le plus efficace ou approprié pour l’éliminer. Ne pas comprendre comment fonctionne l’ego (le nôtre et celui des autres) ou ignorer son existence, fait de l’ego une faiblesse car nous en serons victimes ou esclaves.

Atout ?

Dans certain contexte avoir un ego surdimensionné peut être dopant et un moyen de se surpasser, de ne pas succomber aux doutes ou à la peur (par exemple pour une compétition sportive) et d’atteindre ses objectifs. 

Evidemment ce n’est pas le seul moyen et certains l’ont bien compris. Si nous reprenons l’exemple de la compétition sportive, on a déjà vu de futurs vainqueurs s’arrêter un peu avant la ligne d’arrivée, lors de courses à pied, pour aider un coureur, du même pays ou non d’ailleurs. 

Ce genre de geste peut être l’expression de l’ego ou juste l’expression de la nature profonde de chacun. S’il s’était laissé aveuglé par l’ambition de gagner ou de vaincre, le coureur, aurait pu finir vainqueur de la course. Mais en décidant d’abandonner cette victoire, après des jours et des mois d’entraînements, de dépenses financières…, cela lui permet peut être de promouvoir une valeur plus essentielle à ses yeux : l’entraide. 

La connaissance de soi, de l’existence de son ego et sa compréhension en fait de l’ego un atout et une arme redoutable.

Le mot de la fin ?

A travers cet article nous avons essayé de définir ensemble ce qu’est l’ego (à ne pas confondre avec les legos…). Nous avons vu l’importance que cela peut avoir dans notre vie de tous les jours et en quoi cela peut ruiner des échanges ou communications dans un contexte professionnel. 

Dans le processus d’apprentissage on définit plusieurs étapes : 

• L’incompétence inconsciente : “Je ne sais pas que je ne sais pas nager… (je n’ai jamais essayé de nager)”
• L’incompétence consciente : “Je sais que je ne sais pas nager (j’ai failli me noyer en essayant de le faire)”
• La compétence consciente : “Je sais que je sais nager (j’ai appris à nager et je nage mais je réfléchis encore à mes gestes, mon positionnement…)”
• La compétence inconsciente : “Je ne sais plus que je sais nager (nager est devenu un réflexe inconscient, je prends plaisir et je n’ai plus besoin de réfléchir pour effectuer les bons gestes)” 

L’objectif principal de cet article était, avant tout, de vous sensibiliser, afin de quitter la première phase de “l’incompétence inconsciente” ou simplement vous rappeler les bases. Il est important d’avoir en tête que si on peut progresser dans l’apprentissage, on peut aussi régresser. Donc pour arriver à l’étape de “la compétence inconsciente”, il faudra vous entraînez quotidiennement et régulièrement. Observez votre environnement, soyez attentif à ce que vous dites ou ce que l’on vous dit. Tous ces échanges qui se sont biens passés ou qui se sont mal passés sont des mines d’informations qu’il faut être capable d’analyser afin d’en tirer le meilleur. et ce pour rentrer dans un cercle vertueux d’amélioration continue de soi-même. 

Pour ma part, j’estime être entre “l’incompétence consciente” et “la compétence consciente”. Je ne suis pas toujours assidu dans mon apprentissage mais l’écriture de ce billet m’a permis d’en apprendre beaucoup sur moi et sur les personnes que je côtoie au quotidien. J’ose espérer qu’en le lisant, il vous sera aussi bénéfique qu’il l’est pour moi.

La littérature sous toutes ses formes (“papier”, dématérialisée ou en ligne) regorge de ressources sur le développement personnel (mais pas que…), la bienveillance en général, les soft-skill…

Peace !

Léton Atannon

Références : 

Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/ego

Larousse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ego/28029

Académie Française (9ème édition) : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9E0562